Depuis quelques semaines, partout dans les bois, on entend mes enfants piaffer leur appétit vorace.
Nous sommes épuisés et l’heure de la séparation approche. Les juvéniles sont grands à présent et ils commencent enfin à être autonomes.
Combien d’aller-retours vers la loge, le bec remplis de larves et leurs petits becs, grands ouverts, commandent et engloutissent tout.
Nous ne sommes pas trop de deux pour remplir tous ces gosiers et j’en viens parfois à me demander: “Pourquoi nous infliger tout ce travail, toute cette peine et tous ces risques? »


Maslow considère la reproduction comme un besoin primaire, cela doit être ça. La vie est bien faite et n’a d’autre but qu’elle-même.
Il aura d’abord fallu creuser une loge dans un arbre, pondre et couver les œufs, et maintenant, durant tout l’été, rapporter de la nourriture, du lever au coucher du soleil, sans relâche, vers ces becs avides.
Ils commencent à voler seuls mais ils sont encore maladroits pour trouver les insectes sous l’écorce: nous leur montrons comment faire et dès qu’ils seront prêts, alors que l’automne sera déjà avancé, ils partiront sans se retourner.
Au printemps prochain, le chemin de croix pour la vie sera le leur, et ainsi, année après année, génération après génération, nous touchons du bout du bec, l’illusion de notre immortalité.